19/06/2011

Tour des iles britanniques en double sur PRB


Ayant attendu longtemps pour obtenir les images prises en mer pour illustrer ce récit, et celles ci ne venant pas facilement, voici une version "avant première" pour ces lecteurs passionnés et impatients. Les photos et vidéos seront jointes au texte dès que possible.

Lorsqu'il fut envisagé de courir ensemble cette Transat Jacques Vabre sur PRB, Vincent Riou m'avait prévenu qu'il serait nécessaire de beaucoup naviguer afin d'être optimum au Havre.

Le programme IMOCA prévoyait au mois de Juillet une course de Istambul à Cowes en passant par Barcelone, Brest, Hamburg... de quoi faire quelques milles en équipage!
Pas de bol cette course a été annulée faute de suffisamment de participants. L'idée de Vincent Riou et de Marc Guillemot de faire ce Tour des îles britanniques en duel était pour compenser l'absence d'epreuve majeure avant l'été.

Jusque quelques jours avant le départ (quelques heures en fait....) nous cherchions des équipiers tous azimuts sans succes. Alors on s'est dit que le choix du double n'était pas forcément idiot à la vue de cette Transat en fin d'année. Bien sûr nous étions prêts à nous faire dominer par l'équipage des 5 valeureux marins de Safran, mais bon nous verrions bien. Et puis on peut caler une qualification de valeurs pour la TJV qui semble en totale cohérence avec notre ambition.

On se retrouve au cap Lizard, Safran et nous, dans la soirée du 10 Juin et le départ est donné de nuit (bizarre de se lancer pour une course la nuit!) vers 21h40 TU au reaching vers le Pas de Calais.
L'enchainement meteo s'annonce comme suit:
vent de secteur Sud et SW modéré se renforçant après Douvres puis reste soutenu en mer du Nord pour une trentaine de noeuds (fichier ça fait toujours 25% de plus en réalité) aux Shetland.
La descente le long de l'Ecosse/Irlande sera au près. Voilà pour le menu! A noter que les prévisions à 5/6 jours sont moins fiables que celles à 1/2 jours.

Le record est largement battable avec cette meteo, alors allons y!
3 milles d'avance pour PRB au levé du jour en face de Eastbourne, le double se défend plutot pas mal!
Le pilote automatique conduit le bateau et le marin de quart les mains sur les écoutes ajuste sans arrêt le réglage des voiles. Au début les amplitudes sont de 10 cm et après quelques minutes, ça devient de l'ordre du cm. Marrant comme ce bateau est sensible! 17/18 nds de moyenne vaut mieux rester à l'abri de la casquette, car les embruns sont puissants et abondants!!

Dans le Pas de Calais, nous tournons à gauche dans le sens du vent qui molli aussi. Nous hissons un immense Gennaker qui nous tient en tête jusqu'à ce que Safran emprunte un passage au milieu de bancs de sable dans lequel nous avons refusé de nous engager par sécurité (en double on a un peu de mal à être parfaitement réactifs). Les bancs de sable ne sont pas toujours aux endroits indiqués sur la carte, il est hors de question de risquer un échouage. L'intérêt de cette course/record est de s'entrainer pour la Jacques Vabre, il serait pour le moins facheux de s'arreter là pour avoir essayer de gagner 1 mille....
Bon euh, ils ont moins de courant, ont négocié parfaitement une bascule de vent, ont trouvé plus de pression.... de derrière, ils nous passent devant sans beaucoup de difficulté.

le vent forcit à 30 nds et on attaque les champs d'éoliennes et de plate formes de forage en début de soirée. Certains champs d'eoliennes sont en cours de construction et donc mal indiqués, nous à plus de 20 nds avec notre trajectoire plus dictée par les facéties du vent (très variables en force et direction selon les grains), la situation est un peu stressante (voir beaucoup!). Safran nous appelle en VHF, ils sont 4 milles devant, "la mer est couverte d'éoliennes, on empanne"! Nous roulons le Grand Gennaker pour parer à toutes éventualités, et ralentir un peu pour juger de la situation de visu. "Ok on continue un peu et on empanne après la 6 eme rangée de poteaux". Irréel de penser à la trajectoire au milieu de la mer comme on le ferait en ville!!
Petit Gennaker, 1 ris dans la GV 25/30 nds de vent, vagues courtes c'est la bonne combinaison qui nous permet de pouvoir anticiper les obstacles et empanner facilement sans risque. Safran annonce qu'ils ont eclaté leur grand spi et cassé des lattes dans un empannage.
Les doubles ont finalement quelques arguments face à l'équipage....

Vincent s'efforce de voir loin sur la carte et s'interroge sur la façon d'anticiper le coup de vent qui se confirme à chaque fichier pour demain aux Shetland.
La stratégie est de gagner vite vers le Nord et rester le plus possible à l'W de la route pour ne pas avoir à lofer dans la baston, et bénéficier de l'abri relatif des iles elles même.
Safran a curieusement choisi de rester à l'Est de la route, et nous prenons la tête. Des pointes régulières à plus de 25 nds sous petit GK et 2 ris (record 28 nds!) le tout sous pilote, aucune envie de barrer de toutes façons vus les murs d'eau qui s'abattent dans le cockpit!!

Et puis le vent forcit et tourne à droite comme prévu, Solent. Il forcit encore, ORC. Nous sommes à 70° du vent, soit une allure assez rapide. A 35 nds nous sommes 3 ris, ORC (petit foc de brise, après il y a le Tourmentin...). A 40 nds 3 ris seuls, jusqu'à 50 nds. Inutile de préciser qu' à ce stade, c'est la guerre totale, chaque déplacement sur le pont ou à l'intérieur doit être pensé et assuré car les secousses et chocs sont énormes.
Bien qu'étant très prudents, nous n'avons pas perdu de vue la course. Safran commence d'ailleurs à perdre pied car devant naviguer plus haut dans le vent que nous et donc moins vite dans la tempête. Par ailleurs sa position en arrière lui garantit de subir des vents encore plus forts et pour plus longtemps que nous... Non on ne les envie pas, mais alors pas du tout!

Dès que le vent molli on renvoit de la toile, on sait qu'il va refuser pour nous permettre de virer de bord et abattre au reaching à peine passé la pointe Nord des Shetland.
Le virement n'est pas une partie de plaisir car changer de coté tout le merdier de l'intérieur quand le bateau fait des sauts de cabris est pour le moins inconfortable!
Une fois sur l'autre amure, la vitesse augmente sensiblement sur la route, pendant que Safran bataille toujours au près dans la grosse mer. A ce moment là, Vincent et moi réalisons qu'il y a moyen de faire le break et pourquoi pas de se barrer pour de bon et "tuer le match".
C'est dans ce climat plûtot positif que je descends prendre un peu de repos. Le bateau va vite, la mer se calme gentiment, nous sommes peu toilés (3 ris, Orc). Nous sommes par 60° Nord la nuit n'est qu'une vague ombre qui dure une heure, mais la température est quand même assez fraiche! Du coup le repos se fait dans un duvet, moins réactif certes, mais sommeil de qualité!
Je suis donc en train de me glisser dans ce duvet pendant que Vincent étudie encore la météo, le bateau file à 16/18 nds sous pilote.

Soudain un hèlement.... Puis un autre cri encore plus net!!! Le temps de réaliser que ce son est bien humain, le chalutier est par le travers et défile à toute vitesse à moins de 20m (une longueur de notre bateau....) sous le vent.
Putain de bordel....... on a failli s'éclater sur cette énorme coque en acier de 40m qui a dû faire une énorme embardée pour nous éviter.
1 Avant de quitter le pont, je n'ai pas observé suffisament l'horizon
2 Vincent à l'ordinateur aurait dû voir ce bateau grace à l'Ais.
On a été à un cheveux de la sanction ultime pour une (petite) négligence.
Bon on respire un coup et on continue... OUF!
Le sommeil n'est pas venu aussi facilement que je ne l'espérais...


Dans l'après midi, nous avons une dorsale à négocier avec du temps plus calme, moins d'embruns, un bon check sur le pont, un peu de repos...
On franchit cette dorsale en moins d'une heure sans quasiment s'arrêter, pour repartir très vite à 14 nds puis 18 nds au reaching dans du vent de SE fraichissant annonçant une autre perturbation.
Ah on n'a pas le temps de s'embêter!!

De 41 Milles, notre avance passe à 70 Milles... Safran a du se faire happer par la dorsale.
C'est bien, ça nous permet de naviguer plus cool sachant qu'ils doivent en plus avoir le moral dans les chaussettes.

Le vent comme prévu refuse et c'est du près maintenant pendant 48 h dans 25 nds voire plus.
La mer est difficile, mais pas impraticable, nous faisons route vaille que vaille sous Solent GV 1 ris. Notre avance culmine à 75 milles. La météo est claire désormais: du babord dans ce vent forcissant pendant encore une demi journée, ensuite virement de bord quand le vent tourne à droite, et tout droit jusqu'à l'arrivée.

La barre des 30 nds est atteinte, changement de config: ça sera ORC, 2 ris. On se prépare à la manoeuvre. En regardant devant je m'aperçois que le renfort d'amure du Solent est littéralement arraché de la voile.
Branle bas de combat, ça urge! On abat en grand, je me précipite à l'avant pendant que Vincent commence à enrouler la voile. Ca a l'air de s'enrouler à peu près correctement aussi je reviens derrière pour l'aider à tourner les manivelles. Quelques tours plus tard, c'est le cable qui casse net 30 cm au dessus du pont!
Pour préciser un peu: le Solent est sur un cable dit "fixe" imposé par la jauge Imoca. C'est à dire qu'il est impossible de l'enlever en mer. Il est donc "lasché" (amarré avec du bout) sur le mat et sur le pont.
La voile elle, n'a pas besoin d'être hissée ou affalée en mer, elle est donc elle aussi "lashée" en haut et en bas. Donc lorsqu'on veut l'affaler, eh bien il faut monter pour défaire ces "lashings".
Par 30 nds de vent au large de l'Ecosse, il n'est pas raisonnable de monter dans un mat aile, vraiment pas raisonnable....Ni Vincent ni moi n'avons l'intention de se faire massacrer la haut.
Il faut pourtant faire quelque chose car la voile ainsi hissée nous empeche de faire route (contre le vent on se rappelle).
Nous choisissons d'enserrer la voile dans un bout et de tirer sur ce bout jusqu'à ce que quelque chose vienne...
Je suis au winch et je peux affirmer que j'ai envoyé des watts pour dézinguer cette p... de voile. Bingo la chute a cédé, elle s'ouvre en 2 on en récupère les 2/3 le reste flappe là haut au gré du vent.
Après avoir sécurisé le mat, pris 3 ris dans la GV, rehisser le Génois (enroulé, mais son cable tiendra bien mieux le mat), nous refaisons route.... Pour 2 mn. Le morceau de voile la haut risque de s'emmeler dans les haubans (en carbone, fragiles...) d'abimer la GV à fouetter dessus, voire de délaminer le mat.
La décision est prise de trouver un abri. Où est le plus proche? 150 Milles dans le SE, cote d'Irlande du Nord. On empanne et on fait route, le moral en berne avec un drapeau ridicule en tête de mat.

Arrivée en vue des cotes, le vent molli puis tombe complètement, il pleut, comme si la chance avait changé, comme si c'était "time for pay back", tout s'était tellement bien déroulé jusque là!
Enfin, une entrée de rivière se présente, la houle disparait le vent tombe complètement, c'est l'opportunité à ne pas louper!
En 15 mn Vincent monte au mat, libère les lambeaux de tissus 3 DI carbone/dyneema à what millions de $$$$ (non ce n'est pas notre voilerie qui a fait cette voile....) balance tout sur le pont, checke le gréement et redescend.
Les pieds à peine sur le pont, le vent revient de la cote, parfait pour filer vers le large, et sous ORC, 1 ris nous repartons vers la bretagne ayant bien compris désormais que le record était foutu et que Safran était bien mieux placé que nous dans le système météo.

Heureusement, le vent va demeurer modéré jusqu'à ce qu'il tourne vers l'W (comme prévu). Tribord amure, c'est au portant qu'on rentre vers la bretagne sans forcer, à 15 nds de moyenne.... Etonnant ces bateaux!

Pour cette expérience unique nous retiendrons que nous sommes, Vincent et moi bien en phase en double et plutot efficaces. Je pensais être à la rue physiquement, mais pas tant que ça finalement.
Je pense que je permets à Vincent de faire du super boulot à la nav et du coup cela nous permet d'avoir l'anticipation nécessaire pour ne pas faire d'erreur de choix de voiles (éreintant) ni de trajectoire.
Pour moi nous avons bénéficié d'une erreur de trajectoire de Safran en début de Mer du Nord qui lui a couté extrèmement cher jusqu'à notre avarie.
Nous n'avons pas à nous sentir plus faibles que nos concurrents de la TJV, nous avons des arguments forts et fiables, c'est je crois la leçon n°1 que je tire de cette navigation.
Reste à peaufiner, mais l'essentiel est là et notre préparation en double semble très en avance sur beaucoup nos concurrents!
Il ne devrait pas faire de doute que cette tentative nous servira de qualification, et qu'il y a longtemps qu'une qualif n'a pas été aussi profitable!!
Je ne suis pas du genre à vendre la peau de l'ours, je m'efforce toujours d'être lucide.
Alors comme l'a dit un entraineur fédéral au fait de la course au large, nous nous inscrivons dans une logique de podium pour la TJV.
Inch Allah!!



19/04/2011

Raid Iroise 2011 petole et podium


Première régate de catamaran formule 18 de la saison, le Raid Iroise lance la saison de la discipline. Depuis quelques années maintenant nous possédons, mon copain Stéphane et moi un Hobie Tiger sur lequel on participe quelques fois a des raids du programme de cette classe. Raid Iroise à Brest, un temps de cure, fallait etre idiot pour hésiter!!
OK on fait de la voile depuis quelques années, OK on peut nous prendre pour des gens d'expérience puisque la voile, a y regarder de près c'est quand même notre métier. Mais on ne s'y trompe pas, le formule 18 c'est très particulier, il faut du savoir faire spécifique et les bateaux évoluent chaque année. Nous, on ne s'entraine pas, et notre cata date de 1998.....Nous ne nous faisons aucune illusion,
Nous sommes là pour nous amuser sur un bateau amusant, peu importe le résultat! Si d'aventure l'occasion se présente de saisir notre chance nous le ferons bien évidement, mais pas de pression, non!
Du petit temps et du grand beau au programme du week-end, nickel!!



Samedi le vent est a peu près établi dans la rade, nous naviguons correctement en ayant un peu (beaucoup...) de réussite. 4eme a l'arrivée, c'est bien, c'est même tellement inattendu que cette place sonne quasiment comme une victoire dans nos esprits candides!
Le dimanche le vent est vraiment faible et surtout erratique dans la rade. On se découvre alors des talents pour avancer quand les autres sont arrêtés. Le concurrent devant est arrêté, on fond sur lui, on le dépasse et on le largue... Incroyable! Heureusement qu'on passe à 1 mètre du concurrent et qu'il voit bien que personne ne rame...
Du coup on s'installe en tête de la flotte (c'est la première fois qu'on parvient à mener une manche!) et on tient jusqu'à ce que le vent revienne et que les concurrents se réveillent! 6emes a l'arrivée, un peu déçus parce qu'on étaient pas obliges de mal naviguer sur la fin....

Et surtout 3emes au général!
C'est un bien payé, c'est même très bien payé, voire même un peu du vol car notre investissement est minimum et minimaliste (le mien en fait car heureusement que Stef s'occupe de tout!!) par rapport aux concurrents beaucoup plus sérieux.

Mais bon puisque la compétition c'est faire du mieux qu'on peut, bah cette fois on a bien fait. Alors on est contents! Et on ne va pas chercher plus loin!


Photos ici et encore plus .

Et surtout je vous recommande le film de l'évènement qu'a tourné Stéphane aussi à l'aise au trapèze qu'à son ordinateur.
De la maitrise en plus du gout, c'est ce qui fait les belles choses.

Qui êtes-vous ?

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Moulin Blanc, 29, France