10/12/2010

L'Atlantique en automne sur PRB

Chaque année ou presque, vers le mois de Novembre on remarque une forte migration de voiliers vers l'Ouest. En général ils y vont en course: quittent les pluies et les coups de vent automnaux pour finir sous le soleil d'un pays tropical.
Cette année c'était la Route du Rhum vous vous souvenez?
Les rescapés de cette grande classique solitaire ont donc rejoint la Guadeloupe chacun avec son lot de joie et de déconvenue, toujours avec des aventures extraordinaires.
Les récits des Transats en solitaire se terminent en général une fois la ligne d'arrivée franchie. En effet le public s'intéresse assez peu à la suite du projet. Pourtant le bateau est de l'autre cote, le skipper est fatigue, l'hiver approche. Il faut se dépêcher de ramener ce bateau pour le ranger dans son hangar, et le bichonner pour les courses de la saison suivante!
Les convoyages procurent là une occasion unique aux techniciens de naviguer sur ces machines à bouffer du milles et les aident beaucoup à comprendre les problèmes et à les résoudre.
Une majorité de bateau hissent à nouveau les voiles en équipage cette fois, luttent contre les alizés d'abord, se faufilent entre les dépressions ensuite et rejoignent l'Europe au prise avec les premières neiges enfin.
Pas forcement le trajet le plus sympa, mais il faut le faire, et quand on aime on ne compte pas....
Le 60' IMOCA PRB a terminé la Route du Rhum cette année et j'ai pu participer au convoyage retour dont je vais m'efforcer de faire le récit ici même:


Rendez vous est pris sur l'île de Saint Barthélémy où le voilier est au mouillage pour le bonheur de quelques proches collaborateurs du sponsor. Ils ont en effet eu la chance de faire quelques sorties en mer, et on peut imaginer qu'il y ait des endroits moins attrayants pour naviguer!
24 h après mon arrivée, nous larguons les amarres par un alizé soutenu. Nous sommes 4 à bord 3 membres de l'équipe technique pour valider les systèmes in situ et profiter de longues heures de navigation pour observer et améliorer le bateau. Moi je suis là pour faire des milles à bord et éventuellement donner mon avis si on me le demande!
Ajoutons Vincent Riou le skipper qui s'occupe activement du routage en cette période de météo perturbée, je considère que c'est un atout!
L'alizé vient du 60 ce qui est quand même assez contraire pour rejoindre l'Europe. 25/30 nd c'est un peu fort pour une mise en route au près d'autant que la mer est forte.
Sous voilure réduite, PRB progresse dans des gerbes d'embruns. Il fait chaud, ça secoue, impossible de dormir, certaines oreilles deviennent dangereusement jaunes, le routage nous propose une soixantaine d'heures de ce régime, alors courage!
Parvenus sur le 25eme parallèle l'alizé s'essouffle et le vent devient variable puis faible pour la traversée d'une petite dorsale.
Voile et moteur pendant quelques heures et ça repart avec du vent de NW faible d'abord, mais nous savons qu'il va forcir au fil des jours à venir avec un coup de vent possible dan quelques jours.
Nous sommes au largue, le bateau va vite facilement, la vie s'organise de manière plus humaine et non plus accrochés aux branches dans le bateau pour ne pas voler à travers l'intérieur!!
Une vaste dépression dans notre Nord nous donne du vent favorable, les vagues arrivent de très loin donc elles sont hautes et très longues. Le bateau va vite facilement la mer est rangée c'est nickel.... Jusqu'à ce que le vent ne se renforce et que le pilote ne commence à avoir de réelles difficultés à conduire.
Ce bateau est sensible, très sensible...et extrêmement fragile aux mauvais traitements! Le sujet étant de le convoyer sans encombre et sans avarie, il faut toujours bien le traiter. Si on ajoute que notre but à nous n'est pas non plus de se faire mal à barrer, et se faire rincer sans arrêt, il convient décidément de gérer!
Se faire tremper même d'eau chaude, n'est pas toujours souhaitable, alors s'il faut sortir de "l'abri bus" pour pisser par exemple, on fait abattre de 20 degrés, le temps d'opérer.... Tout ca pour dire qu'on est pas là pour se faire ch...!

Dans ces conditions, sous petit foc et GV arisée, ça va encore trop vite, il faut prendre le 3eme ris. La GV de convoyage est une voile de l'ancien PRB dont les hauteurs les hauteurs de ris sont très différentes. La GV au troisième ris ressemble à n'importe quoi sauf à une voile sur un bateau de course!!
Nous appellerons cette configuration "Water world" car elle nous évoque celle de K. Costner à la barre de son trimaran devenu improbable.
Pendant l'affalage, des coulisseaux se désolidarisent de la voile, ca risque d'entrainer des ruptures en chaine... Il y a maintenant près de 40nds. On affale tout, et on finit la nuit sous foc seul à 10nds de moyenne.

La situation météo sur l'Atlantique est assez claire: du portant bâbord amure pour traverser (5 jours cap au 90/100 puis 110) et du tribord amure au portant aussi pour remonter entre Madère et les Acores, le Portugal et le Golfe de Gascogne.

La dépression nous quitte comme prévu alors que nous sommes à la longitude des Acores, mais seulement à la latitude des Canaries....Le vent refuse, on se retrouve au près, puis on vire et nous voila cap vers la maison quoique au près pour le moment.

Nous aurions pu la jouer plus agressive et partir au nord bien plus tôt pour gagner du temps. Vincent Riou nous route depuis la terre, et tient a ce que l'on demeure pas trop loin d'un abri si la météo se fâche pour de bon. Donc la route vers le Nord est exclue...
Nous ca nous va bien, on peut toujours prendre des douches sur le pont, le cire n'est pas obligatoire sur le pont, ni les polaires d'ailleurs! les nuits sont assez courtes, etc...
Depuis ce virement de bord, nous savons que nous allons vers le froid et que le vent va forcir. La situation bien que claire, est complexe car on ne sait pas comment elle peut évoluer: fort coup de vent, ou coup de vent gérable?
Nous nous gardons une solution de repli vers Madère.
Au plus on gagnera vers le Nord au plus le vent forcira, et devrait être très fort lorsqu'on atteindra le Cap Finistère.
Nous progressons en avant de la dépression qui se forme et se creuse juste derrière nous. Si on ralentit, elle nous happe et on sera dans du 50 nds... Si on maintient une bonne vitesse, on évite le plus fort. Simple non?
15 nds de moyenne pendant 3 jours nous gardent une cinquantaine de milles d'avance sur la vrai baston. C'est en approchant le Cap Finistere qu'il ne faut surtout pas mollir car le vent souffle a 35nds et la mer est déjà bien formée.
Alors on barre 6h d'affilée pour être certains de ne pas être rattrapes. Sous GV "water world" et petit foc c'est un peu humide, et c'est un peu frais ces heures de barre!
Lorsque le vent dépasse les 40 nds, on affale la GV et on revient à notre mode de navigation habituel: sous la casquette à papoter! La baston est bien restée derrière nous, tout s'est bien passe, à part une latte cassée dans la GV.
Le vent se calme, refuse et nous propose du louvoyage pour finir.... Fait pas chaud!
Il fait jour lorsqu'on amarre le bateau a la bouée d'attente de Port la Foret, 13 jours et 22 heures après être partis de Saint Barthélemy.

Un convoyage sans histoire, très instructifs pour tous, et de très bons moments en mer avec Pascal, Pierre-Louis et Eric.
Merci a eux et au Team PRB de m'avoir permis de les rejoindre pour cette traversée!

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Moulin Blanc, 29, France